L’invention d’une nouvelle Antiquité: à propos de l’autel-reliquaire dit «de saint Sernin» à Saint-Hilaire d’Aude

La célébrité de l’autel-reliquaire décoré du martyre de saint Sernin conservé dans l’église abbatiale de Saint-Hilaire d’Aude réside dans son attribution à l’énigmatique Maître du tympan de Cabestany. Il s’agit d’une des pièces les plus fascinantes et trompeuses de la sculpture romane du Midi, car, bien qu’il ait l’apparence d’un sarcophage tardo-antique, sculpté sur trois faces, l’exiguïté de sa cavité intérieure ne laisse aucun doute sur le fait qu’il fut conçu comme un autel-reliquaire. Par ailleurs, le style de ses reliefs est délibérément antiquisant, dans le but d’évoquer la sculpture paléochrétienne. C’est pourquoi il semble que l’artiste et le commanditaire eurent l’intention de créer un « faux » afin de persuader le spectateur qu’il se trouvait devant un véritable sarcophage antique réutilisé.
Cette imitation s’inscrit dans un phénomène bien documenté au cours du XIIe siècle dans le Midi de la France et en Toscane, qui va de pair avec l’idée d’évoquer un passé prestigieux et qui met en lumière les sources et la formation du controversé Maître du tympan de Cabestany. De plus, la commande de l’autel-reliquaire se fit en même temps que l’acquisition par l’abbaye d’autres objets qui nous permettent de mieux comprendre le contexte de sa création dans la seconde moitié du XIIe siècle, alors que l’abbaye bénédictine de Saint-Hilaire devait faire face à l’ingérence de la famille Trencavel, vicomtes de Carcassonne, et au conflit de l’hérésie albigeoise.